Îlot Saint-Germain

Sommaire

Bd Saint Germain Rue Saint Dominique
8 rue Saint Dominique rue de l'Université
rue de l'Université Tour de l'Horloge
square Jacques Bainville 231 Bd Saint Germain
Batiment central 2003 Restes du cloître de l'ancien couvent
Porte d'entrée du 231 Bd Saint Germain
Cour Central
Cour nord 1999 Cour Nord 2004
La cour nord vue de la cour des archives

Le salon littéraire de Madame du Deffand
à Saint-Joseph (1747-1780)

Madame du Deffand, femme de lettres et d'esprit du XVIII ème siècle, a tenu son salon littéraire à l'îlot Saint-Germain de 1747 à 1780. Le Marquis de Ségur, qui a exploité sa correspondance, a publié en 1906 un article où il fait état de l’installation au couvent des Filles de Saint-Joseph de cette grande salonière de la France des Lumières.

Page 366 :

« On se tromperait toutefois si l’on prenait la marquise du Deffand pour une de ces incrédules de métier dont foisonne le XVIIIème siècle, méprisant les anciennes croyances et faisant parade d’impiété (…). Elle ne rompit jamais entièrement avec les pratiques religieuses : en s’installant à Saint-Joseph, elle tint à avoir une « tribune » donnant sur la chapelle des sœurs (Lettre du 25 juillet 1748 ‑ Archives de la Drôme), et, chaque dimanche, elle en faisait usage ».

 

Page 379 :

« A partir de cette époque (=1745), vient une série de lettres presque toutes relatives à un objet qui lui tient fort au cœur, je veux parler de son installation dans ce couvent de Saint-Joseph, auquel le nom de Mme du Deffand demeurera toujours attaché. Dans les débuts de sa liaison avec Hénault, elle avait habité, d’abord une maison rue de Beaune (…) ».

 

Page 380 :

« Ce fut alors que Mme du Deffand mit ses amis en campagne pour trouver un logement où elle pût terminer ses jours. La recherche fut longue ; la marquise séchait d’impatience, et, avant même que son choix fût fixé, elle s’occupait déjà de commander ses meubles. Sa sœur d’Aulan reçut mission de faire tisser l’étoffe dans les ateliers d’Avignon : c’est cette fameuse « moire bouton d’or », ornée de « nœuds couleur de feu », dont les mémoires et les lettres du temps donnent des descriptions enthousiastes ».

« Lettre de Mme du Deffand du 22 avril 1746 » : « Je vous apprends pour nouvelles, ma chère sœur, que je viens de louer un très joli appartement à Saint-Joseph pour la Saint-Jean prochain. J’ai un très grand empressement de l’habiter, mais c’est ce que je ne pourrai pas faire que mon meuble ne soit fini. Ainsi je vous conjure d’apporter tous vos soins pour que mes étoffes soient faites et que je reçoive incessamment mes cent aunes de serge blanche, mes soixante-dix aunes de taffetas jaune et mes trente aunes de taffetas cramoisi (…) ».

« Lettre de Mme du Deffand du 4 août 1746 » : « Je suis dans les ouvriers jusqu’au col à Saint-Joseph, mais, malgré ma diligence, je suis persuadée que je ne pourrai pas l’habiter avant la fin d’octobre ».

 

Pages 382-384 :

« Dans les premières lettres qui suivent, la satisfaction que lui cause l’emménagement à Saint-Joseph amène une heureuse diversion à ses mornes pensées. Le bail, après de nombreux pourparlers, avait été signé le 24 avril 1747 ; j’ai l’acte sous les yeux, et j’en donne les clauses principales pour l’édification de ceux qui sont curieux de ces menus détails » : « Furent présentes sœur Marie Jourdin, supérieure, et sœur Madeleine Contey, économe de la communauté des Filles orphelines de Saint-Joseph, dites de la Providence, établies à Paris, rue Saint-Dominique, quartier Saint-Germain-des-Prés, paroisse Saint‑Sulpice, lesquelles… ont donné à loyer et à prix d’argent, pour le temps et l’espace de six années consécutives qui commencent à courir du 1er juillet prochain, et promettent de faire jouir haute et puissante dame Marie de Vichy, épouse de haut et puissant seigneur Jacques du Deffand de La Lande, séparée quant aux biens dudit seigneur son époux, à ce présente et acceptante, et retenant pour elle l’appartement par bas, situé au fond de la cour extérieure de ladite communauté, contenant deux petites antichambres, un office, un grand salon qui a vue sur le jardin, à droite duquel est une tribune sur le chœur, et à gauche une grande chambre à coucher avec une cheminée, un cabinet ensuite, avec une garde-robes, dans laquelle il y a un escalier de menuiserie qui monte dans un entresol au-dessus… Ce bail fait moyennant le prix de 800 livres de loyer, pour chaque année dudit bail, aux quatre termes de l’an ordinaires, dont le premier écherra le 1er octobre prochain… ». « Sept ans plus tard, quand Melle de Lespinasse vint partager son existence, la marquise loua pour cette dernière un appartement séparé, donnant sur la même cour « au-dessus des remises de carrosses » et composé « d’une grande chambre au premier étage, de deux autres chambres de domestiques et d’une salle à manger » en payant pour ce supplément un prix annuel de 500 livres » (bail signé le 7 décembre 1754, pour commencer à courir du 1er janvier 1755).

« L’installation de Mme du Deffand dans le couvent de Saint-Joseph eut lieu dans la deuxième quinzaine d’octobre 1747, comme nous l’apprend la lettre ci-après » :
« Lettre du 30 octobre 1747 » : « Je vous informe, ma chère sœur, que je suis dans mon nouvel établissement et que j’ai le plus joli logement qu’on puisse avoir (…) ».
« Lettre du 9 novembre 1747 » : « Mon irrégularité à vous écrire a été causée par l’embarras de mon déménagement ; j’en ai été occupée et fatiguée à l’excès. Il y a eu hier quinze jours que je me suis établie, et je ne suis pas encore quitte des ouvriers. Rien n’est si joli que mon appartement, et rien n’est plus agréable que mon meuble (…)».

 

Page 384 :

« Lettre de Mme du Deffand du 25 juillet 1748 » : « Je suis fort dégoûtée du logement où je viens de m’établir. Il y a des choses immenses à faire pour le rendre habitable, et au bout de cela, il ne sera pas joli, ni commode pour les domestiques ; j’y serai très à l’étroit, je suis effrayée de ce qu’il me coûtera (…) ».

Source : « Madame du Deffand et sa famille », du Marquis de Ségur, publié dans « La Revue des deux mondes », livraison du 15 novembre 1906, page 353, disponible à la bibliothèque numérique de la BNF.